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Conseil d’État, 6ème — 5ème chambres réunies, 21 avril 2023, 456788

Par un arrêt du 21 avril 2023 (n°456788) le Conseil d’Etat a apporté des précisions intéressantes « sur l’articulation à opérer, pour le contrôle de légalité des autorisations d’urbanisme, entre les dispositions de la loi Littoral et celles définies par le schéma de cohérence territoriale (SCoT) dans le contexte post-loi ELAN »¹.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat devait statuer tant sur l’application des dispositions de l’article L. 121–8 du code de l’urbanisme qui impose sur l’ensemble du territoire de la commune littorale que l’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants que sur celles issues de l’article L. 121–13 du même code portant sur l’urbanisation limitée dans les espaces proches du rivage. 

Le Conseil d’Etat avait déjà précisé, dans son arrêt « Commune de Landéda » du 9 juillet 2021 (n° 445118), que la conformité d’une autorisation d’urbanisme avec l’article L. 121–8 du code de l’urbanisme devait s’appliquer en tenant compte des dispositions du SCOT à condition pour ces dernières d’être suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives propres au littoral.  

Pour reprendre les mots du Rapporteur public, Olivier Fuchs, dans ses conclusions issues de l’arrêt précité, le SCOT « est un filtre […] Il constitue la clé d’interprétation de cette loi²».  

En d’autres termes, le SCOT décline les dispositions de la loi Littoral en déterminant les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et en définissant leur localisation. 

Dans ce cadre, le Conseil d’Etat est venu préciser l’office du juge à travers l’arrêt commenté en retenant que

 « la cour devait tenir compte des dispositions de ce schéma ou, si elle entendait les écarter comme n’étant pas suffisamment précises ou comme étant incompatibles avec les dispositions particulières au littoral, devait le justifier de manière explicite. Par suite, son arrêt est entaché d’une erreur de droit ». 

Selon les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public sur cette décision, cette nouvelle formulation permet au Conseil d’Etat de s’aligner sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel fondée sur l’exigence de bon emploi des deniers publics et le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques, plus restrictive que l’ancienne rédaction adoptée par le Conseil d’Etat (Cons. const., Décision n° 2010–624 DC du 20 janvier 2011, Loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel).

Le Conseil d’Etat abandonne ainsi la référence au préjudice « manifestement disproportionné » qui laissait une plus grande marge de manœuvre aux acheteurs publics dans le cadre de la résiliation amiable du contrat.

Pour autant, le Conseil d’Etat se montre moins sévère que la cour administrative d’appel de Marseille en retenant que cette dernière a commis une erreur de droit en refusant de retenir la valeur locative du terrain afin d’apprécier le caractère disproportionné de l’indemnité en cause.

L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Marseille pour l’appréciation du caractère proportionné ou non de l’indemnité de résiliation qui ne doit pas excéder le préjudice subi au détriment des deniers publics.

Cette nouvelle décision vient clairement renforcer le contrôle du juge sur le montant des indemnités versées dans le cadre particulier d’une résiliation amiable du contrat.

Pour le dire autrement,

  • Il appartient au juge d’apprécier le respect des critères de la loi Littoral au regard des dispositions du SCOT,
  • Si le juge entend écarter les dispositions du SCOT au motif qu’elles seraient insuffisamment précises ou incompatibles avec la loi Littoral, il doit alors préciser de manière expresse et explicite les motifs justifiant d’écarter ce dernier et– conséquemment- les indications y figurant s’agissant des critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés ou leur localisation.

Cette décision favorise la mise en regard des dispositions de la loi Littoral et des objectifs définis par le SCOT. Cela devrait favoriser la prise en compte les particularités locales traduites dans certains SCOT pour densifier des zones qui ne seraient pas suffisamment denses pour pouvoir être qualifiées d’agglomérations ou de villages mais qui ne seraient pas non plus des zones d’urbanisation diffuse. 

Aurore Cochet
Karim Hamri