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=> Le titulaire du marché doit présenter un mémoire en réclamation au regard d’un différend survenu en cours d’exécution, à peine d’irrecevabilité de la saisine du juge.

Aux termes de cet arrêt, le Conseil d’Etat rappelle, de manière claire et utile, le cumul des procédures issues des articles 46.2.1 et 50.1.1 du CCAG Travaux, mettant fin au doute pour les acteurs privés.

Dans cette affaire, le titulaire d’un marché de dragage d’entretien des postes d’attente fluviaux sur les bassins du Grand port Maritime de Marseille a demandé la résiliation du contrat, sur le fondement de l’article 46.2.1 du CCAG Travaux 2014, à la suite de la notification tardive de l’ordre de service de démarrage des travaux.

Pour rappel, en cas de notification tardive de l’ordre de service de démarrage des travaux, l’article 46.2.1 du CCAG Travaux 2014 permet au titulaire d’obtenir (i) la résiliation du marché – qui ne peut lui être refusée — et (ii) l’indemnisation des frais et investissements éventuellement engagés pour le marché et nécessaires à son exécution, sur demande écrite et justifiée, présentée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de résiliation.

Face au refus du Grand Port Maritime de Marseille de faire droit à cette demande, le titulaire du marché lui a alors adressé un mémoire en réclamation contestant ce refus et sollicitant l’indemnisation de son préjudice.

En réponse, le Grand Port Maritime de Marseille a décidé de prononcer la résiliation aux frais et risques du titulaire refusant d’exécuter les travaux.

Le titulaire du marché ayant saisi le juge de ce différend, le Grand Port Maritime de Marseille a soulevé l’irrecevabilité de la demande indemnitaire de ce dernier en l’absence de notification de la copie de sa réclamation indemnitaire au maître d’œuvre, en application de l’article 50.1.1 du CCAG Travaux 2014.

Pour rappel, l’article 50.1.1 du CCAG Travaux 2014 régit la situation d’un différend survenu en cours d’exécution du marché — entre le titulaire et le maître d’œuvre ou bien entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur – qui impose l’envoi d’un mémoire en réclamation, sous peine d’irrecevabilité de la saisine du juge.

Les juges du fond ont retenu, une première fois, que la méconnaissance de cette formalité « ne saurait, dans les circonstances très particulières de l’espèce, être regardée comme substantielle et de nature à affecter la recevabilité de la réclamation » dès lors que la demande de résiliation du titulaire du marché aurait dû être traitée dans le seul cadre juridique de l’article 46.2.1 précité qui n’impose pas une telle formalité.

Après une première saisine dans la même affaire, le Conseil d’Etat censure cette position et retient au contraire le cumul des procédures issues des articles 46.2.1 et 50.1.1 du CCAG Travaux. En d’autres termes, la procédure de l’article 46.2.1 n’est ni spécifique, ni exclusive, comme le soutenait le titulaire du marché.

Malgré une première cassation, la cour administrative d’appel de Marseille s’oppose au raisonnement retenu par le Conseil d’Etat et maintient sa position. Elle affirme en effet que la demande de résiliation du contrat étant intervenue avant tout commencement d’exécution des travaux, seule la procédure de l’article 46.2.1 peut valablement s’appliquer.

La question du point de départ du délai d’exécution des travaux dans ce marché à tranches est donc au cœur de la divergence d’interprétation qui oppose la cour administrative d’appel de Marseille et le Conseil d’Etat.

De nouveau saisi, le Conseil d’Etat confirme sa position du 2 février 2021, affirmant que l’article 46.2.1 du CCAG Travaux doit être lu en combinaison avec l’article 50.1.1 du même CCAG. Tel qu’interprété par le juge, cet article dispose que le titulaire d’un marché public n’est recevable à saisir le juge administratif que s’il a présenté, à la fois au pouvoir adjudicateur et au maître d’œuvre, un mémoire en réclamation exposant les motifs de son différend avec le pouvoir adjudicateur et, le cas échéant, les montants de ses réclamations et présentant les justificatifs nécessaires correspondant à ces montants.

En d’autres termes et selon le Conseil d’Etat, la procédure de règlement des différends définie à l’article 50.1.1 du CCAG Travaux est applicable avant même le commencement effectif de l’exécution des travaux. La circonstance que le mémoire en réclamation ait été adressé postérieurement à la notification de l’ordre de service de démarrage et à la date prévue pour le démarrage de ces travaux semble à l’origine de la position du Conseil d’Etat, qui diffère de celle de la cour administrative d’appel de Marseille.

Heureusement pour le titulaire, ce dernier avait bien veillé à notifier copie de son mémoire en réclamation au maître d’œuvre, respectant ainsi la procédure de l’article 50.1.1, ce qui justifie que l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille ne soit pas de nouveau cassé par le Conseil d’Etat.

L’apport de cette décision semble transposable aux contrats soumis au CCAG Travaux approuvé par l’arrêté du 30 mars 2021 (CCAG Travaux 2021) dès lors que les dispositions des articles 46.2.1 et 50.1.1 du CCAG Travaux 2014 ont été respectivement reprises aux articles 50.2.1 et 55.1.1 du CCAG Travaux 2021.

L’essentiel à retenir pour le titulaire du marché :

  • respecter scrupuleusement la procédure de l’article 46.2.1 en adressant une demande écrite de résiliation du marché en cas de notification tardive de l’ordre de service de démarrage ;
  • dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de résiliation prononcée sur ce fondement, adresser une demande indemnitaire écrite et dûment justifiée pour l’ensemble des frais et investissements éventuellement engagés ;
  • en cas de refus de la demande de résiliation sur ce fondement, adresser un mémoire en réclamation au représentant du pouvoir adjudicateur avec copie au maître d’œuvre, sur le fondement de l’article 50.1.1 avant de saisir le juge.
Alex Ménard
Karima Khatri