Pour retrouver l’arrêt du Conseil d’État : CE, 28 décembre 2023, N° 473827
Le 28 décembre 2023, le Conseil d’État s’est prononcé dans le cadre d’une affaire qui nous permet de faire le point sur la règlementation relative à la protection au titre des abords des monuments historiques. Chacun le sait, le classement ou l’inscription d’un immeuble au titre des monuments historiques entraîne la création d’un périmètre de protection de ses abords. Cette protection, qui a le caractère d’une servitude d’utilité publique affectant l’utilisation des sols, est instituée dans un but de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel.
La nature, l’étendue et la portée de ce périmètre de protection sont définis à l’article L. 621–30 , II du code du patrimoine dans les termes suivants :
« II. – La protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l’autorité administrative dans les conditions fixées à l’article L. 621–31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.
En l’absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s’applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. »
Il ressort de ces dispositions que le périmètre généré automatiquement autour d’un monument historique classé ou inscrit est un périmètre par défaut, communément appelé « rayon de 500 mètres » : il s’étend de manière circulaire sur une distance de 500 mètres autour du monument.
Les contours de ce périmètre peuvent toutefois être modifiés par l’autorité administrative au regard de la situation de l’immeuble protégé par rapport à l’état des lieux qui l’entourent, sur proposition de l’architecte des bâtiments de France1 : ce nouveau contour est alors appelé périmètre « délimité » des abords.
En résumé, sont protégés au titre des abords, les immeubles ou ensemble d’immeubles qui forment avec un immeuble classé ou inscrit un ensemble cohérent et qui sont situés :
- Dans un périmètre « sur mesure » déterminé par l’autorité administrative : il s’agit du périmètre « délimité » des abords ;
- En l’absence de périmètre délimité, dans un rayon de 500 mètres autour de l’immeuble, à condition que l’immeuble concerné soit visible depuis le monument ou en même temps que celui-ci.
On sait en effet que les constructions nouvelles sont par principe assujetties au permis de construire (R421‑1 du code de l’urbanisme), sauf dans un certain nombre de cas limitativement énumérés justifiant soit une dispense totale de toutes formalités, soit permettant le recours à une simple déclaration préalable.
Ces régimes dérogatoires au permis de construire ne s’appliquent qu’aux constructions qui n’ont pas vocation à s’implanter dans les abords des monuments historiques.
Dès lors, lorsque la construction nouvelle projetée est située dans le rayon de 500 mètres autour d’un monument historique mais qu’elle n’est pas visible depuis ce monument ou en même temps que celui-ci, faut-il déposer une déclaration préalable de travaux ou un permis de construire ?
Si les tribunaux administratifs se sont déjà prononcés, de manière plus ou moins explicite, sur le sujet2, l’affaire tranchée par le Conseil d’État le 28 décembre 2023 permet d’éclairer les porteurs de projets.
Dans cette affaire, le pétitionnaire avait déposé une déclaration préalable de travaux pour la construction d’un pylône radiotéléphonie mobile3.
Ce pylône et les équipements afférents prenaient place sur une parcelle comprise dans le rayon de 500 mètres établi autour d’un monument historique, l’Aqueduc de Retz. Le plan des servitudes d’utilité publique de la commune annexé au PLU matérialisait d’ailleurs avec précision les contours de ce périmètre autour de l’Aqueduc, légendé comme « monument historique inscrit avec périmètre de protection ».
Consulté sur le projet, l’architecte des bâtiments de France avait souligné que le projet n’était pas situé dans le champ de visibilité dudit monument.
La commune considérait néanmoins que la question de savoir si le projet était ou non visible du monument historique Aqueduc du Retz était indifférente.
Selon elle, la seule inclusion du terrain d’assiette du projet dans le périmètre de la servitude annexée au PLU suffisait à rendre applicable la protection au titre des abords audit terrain, et impliquait donc le dépôt d’un permis de construire en lieu et place d’une déclaration préalable de travaux.
Le Conseil d’État a censuré ce raisonnement.
En effet, dès lors qu’aucun périmètre délimité n’avait été institué autour du monument historique, la servitude de protection au titre des abords ne pouvait s’appliquer qu’aux immeubles, bâtis ou non bâtis, situés à moins de cinq cents mètres de celui-ci et visibles depuis ce monument ou en même temps que lui.
Le critère de la visibilité n’étant pas rempli en l’espèce, les effets engendrés par la servitude de protection ne pouvaient trouver à s’appliquer en sorte qu’une simple déclaration préalable suffisait pour la réalisation des travaux.
Suivant les conclusions de son rapporteur public qui avait relevé qu’il n’était pas établi avec la force de l’évidence requise en référé que le cercle matérialisé dans le plan des servitudes d’utilité publique correspondrait à un périmètre délimité au sens des articles L. 621–30 et L. 621–31 du code du patrimoine, plutôt qu’au rayon de 500 mètres de droit commun, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi.
Ainsi, en l’absence de périmètre délimité des abords, un projet de construction4 situé dans le rayon de 500 mètres autour d’un monument historique mais ni visible depuis ce monument ni visible en même temps que lui doit faire l’objet d’une déclaration préalable de travaux et non d’un permis de construire.